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Orléans en guerre.
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Un peu d'humour

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Marcel Simonet avait fĂȘtĂ© ses 24 ans quelques jours plus tĂŽt et câest le cĆur lĂ©ger et dâune allure guillerette quâil remontait la rue pavĂ©e menant au petit domicile de ses parents. Il Ă©tait heureux, dimanche dernier, il sâĂ©tait offert le luxe de prendre le nouveau tramway pour rejoindre lâune des nombreuses guinguettes des bords du Loiret. Pour moins dâun franc, la locomotive tractant ses wagons Ă lâimpĂ©riale, vous transportait en moins de 30 minutes vers les lieux de distraction les plus agrĂ©ables de « banlieue ». MalgrĂ© les grandes inondations rĂ©centes, lâendroit Ă©tait des plus festifs. Canotage, musique, danse, pĂȘche, restauration, courses dâaviron, joutesâŠ
Tout Ă©tait prĂ©vu pour passer un merveilleux dimanche Ă la campagne. AccompagnĂ© de son meilleur ami, Marcel avait pris le dernier Tram du soir pour rentrer et raccompagner celle qui depuis ce jour enchantait ses rĂȘves et ses nuits. Marcel Ă©tait tombĂ© amoureux ce jour-lĂ , entre un kiosque Ă musique et une buvette. CĂ©line sera sienne, se disait-il, en souriant. Ses trois annĂ©es de service militaire Ă©taient derriĂšre lui, il Ă©tait dĂ©sormais temps de faire sa vie. Le soleil dâaout illuminait sa rue et ses projets. La dure journĂ©e de travail Ă la fabrique de tissus se terminait et la maison de ses parents nâĂ©tait plus trĂšs loin. Perdu dans ses pensĂ©es amoureuses, Marcel regarda dâun Ćil distrait la grande affiche placardĂ©e sur la porte de la petite mairie quâil venait de dĂ©passer. Deux grands drapeaux tricolores se croisaient en son centre. Il revint sur ses pas, pensif.
đđ«đŠđÌđ đđ đđđ«đ«đ đđ đđ«đŠđÌđ đđ đŠđđ«, đđ«đđ«đ đđ đŠđšđđąđ„đąđŹđđđąđšđ§ đ đÌđ§đÌđ«đđ„đ.
La guerre avec lâAllemagne nâest pas dĂ©clarĂ©e, se dit-il. Mais il savait parfaitement ce que signifiait ce court texte. Sous 48:00, il devra se prĂ©senter aux autoritĂ©s militaires. VoilĂ Ă peine six mois quâil avait quittĂ© son rĂ©giment et tous ses rĂȘves sâĂ©croulaient en quelques secondes. Le soleil laissa place Ă lâombre, le jour Ă la nuit.
DĂšs le lendemain, il rejoignit son rĂ©giment et le surlendemain, lâAllemagne dĂ©clarait la guerre Ă la France. Tous les soldats, conscrits et rĂ©servistes ne pensaient quâĂ une guerre rapide afin de rejoindre au plus vite leurs proches et familles. Le dĂ©part « la fleur au fusil » nâĂ©tait quâune envolĂ©e littĂ©raire, la rĂ©alitĂ© Ă©tait plus crue. Lâheure nâĂ©tait pas aux fanfaronnades, mais au sens du devoir dans lâangoisse et la peur.
Marcel rĂ©cupĂ©ra son paquetage, son arme et sa tenue. Direction la gare. Sur le quai, CĂ©line, larme Ă lâĆil, comme tant dâautres, agita une derniĂšre fois son bras, lança un baiser en lâair pendant que le train dĂ©marrait dans un bruit assourdissant.
Les deux premiĂšres annĂ©es de Marcel furent plutĂŽt tranquilles. De par son mĂ©tier de couturier, il sâoccupait des rĂ©parations des vĂȘtements, des tentes, des harnais de chevaux et accessoirement des chaussures. Il prenait rarement part au combat et cela lui convenait parfaitement. Mais en fĂ©vrier 1916, tout bascula. Il avait Ă©chappĂ© Ă la bataille de la Marne, il nâĂ©chappera pas Ă lâoffensive de Verdun.
La vie dans les tranchĂ©es Ă©tait un tel enfer, quâil est difficile pour nous de lâimaginer. Entre le froid, la boue, lâhumiditĂ©, la puanteur, la maladie et la peur, les poilus, tentaient bon an mal an, de rester dignes et humains. Ce soir de juillet 1916, Marcel Ă©tait en observation. Il faisait presque chaud, le soleil ignorait la folie des hommes. Bien camouflĂ©, bien allongĂ©, bien enfoncĂ© dans sa vareuse, il surveillait les lignes Allemandes Ă un jet de pierre de sa position. Fusil Lebel bien ancrĂ© dans le creux de lâĂ©paule, baĂŻonnette en avant et huit cartouches dans le chargeur, Marcel fixait lâhorizon proche tout en pensant Ă CĂ©line, la femme de sa vie. Peu avant le coucher du soleil, une silhouette ennemie se dĂ©tacha Ă moins de 20 mĂštres. Rapidement, il arme, fixe le visage de lâhomme et tire pour tuer. RatĂ©, au mĂȘme moment, sa cible plongeait dans sa tranchĂ©e. Saperlipopette, je n'aurais jamais dĂ» le rater, se dit-il. Quelques mois et 250000 morts plus tard, la bataille de Verdun, la mĂšre des batailles, sâachevait sur une maigre victoire des Français. Tout ça, pour ça !
Enfin dĂ©mobilisĂ©, Marcel repris le cours de sa vie et Ă©pousa CĂ©line au printemps 1919. De cette union naquirent deux garçons. La vie Ă©tait presque belle, cette guerre Ă©tait « der des der ». Le traitĂ© de Versailles venait dâĂȘtre signĂ©, lâAllemagne Ă©tait genoux Ă terre et la toute nouvelle SociĂ©tĂ© Des Nations Ă©tait censĂ©e mettre un terme Ă tous nouveaux conflits. Encore jeune homme, Marcel voyait lâavenir avec sĂ©rĂ©nitĂ© en occultant lâhorreur des tranchĂ©es et la perte de nombreux compagnons. La petite entreprise familiale commençait Ă ĂȘtre connue, reconnue et le travail ne manquait pas. Simonet Tissus avait dĂ©sormais pignon sur rue. A tel point, quâen 1922, Marcel fut lâun des premiers Français Ă passer son permis de conduire et Ă sâacheter lâannĂ©e suivante une CitroĂ«n B2 : 20 chevaux, 4 cylindres, 3 vitesses, 72 km/heure. Elle Ă©tait magnifique. La vie Ă©tait belle.
Mais le 1er septembre 1939, malgrĂ© tous les rĂȘves de paix et de fraternitĂ©, La France dĂ©clare la guerre Ă lâAllemagne. Contre toute attente, Marcel fut rappelĂ© dans les 15 jours. MobilisĂ© sur le front, câest sur la ligne Maginot que Marcel retrouvera ses compagnons dâinfortune. Cette premiĂšre annĂ©e, appelĂ©e aussi la « drĂŽle de guerre » se voulait optimiste et joyeuse. De nombreux artistes accouraient pour donner des spectacles et redonner le moral aux troupes. Marcel vit ainsi passer le sulfureux Maurice Chevalier, Pierre Dac, JosĂ©phine Baker et Ray Ventura interprĂ©tant son cĂ©lĂšbre "on ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried". La ligne Siegfried Ă©tant le pendant Allemand de notre ligne Maginot. Mais dĂšs le mois de mai 1940, les lignes commencĂšrent Ă se rĂ©veiller. De part et dâautres, lâartillerie pilonnait, lâaviation survolait et lâinfanterie surveillait. Ce 10 du mĂȘme mois, Marcel Ă©tait en faction dans une petite tourelle de bĂ©ton Ă deux pas des lignes ennemies. Vers 19:00, un reflet suspect dans les genets attira son attention. Il arma la culasse de son fusil Mas 36 et resta Ă lâaffut. Quelques secondes plus tard, les branchages sâĂ©cartĂšrent un peu plus et Marcel put parfaitement distinguer un soldat Allemand en tenue de combat, mais tĂȘte nue, casque en bandouliĂšre. Lâinstant dura une Ă©ternitĂ©, lâhomme qui le fixait, Ă©galement tĂ©tanisĂ©, Ă©tait le mĂȘme quâen 1916 Ă Verdun. Une fois, mais pas deux, Marcel appuya sur la gĂąchette sans rĂ©flĂ©chir. Le tir passa Ă quelque 10 centimĂštres du visage de lâinconnu pour se perdre dans la forĂȘt tout comme cet ennemi inattendu.
Marcel nâosa raconter cette histoire Ă quiconque. La guerre se termina avec son lot de blessures, souffrances, remords et regrets. La cinquantaine encore fringante, Marcel se consacra totalement Ă son travail, son entreprise et sa famille. En 1974, pour ses 80 ans, enfants et petits-enfants se dĂ©cidĂšrent Ă lui offrir un voyage en Allemagne. Durant ce pĂ©riple de 15 jours, lors de son sĂ©jour en BaviĂšre, Marcel participa Ă la cĂ©lĂšbre « Oktoberfestâ, la fĂȘte de la biĂšre de Munich. Sous lâun des immenses chapiteaux, la petite troupe sâinstalla sur un interminable banc de bois tandis que tout le personnel en tenue traditionnelle Bavaroise servait des flots de biĂšres Ă une clientĂšle bruyante et plus que festive. Au moment de passer leur commande Ă une serveuse Ă la vitalitĂ© dĂ©bordante, un homme ĂągĂ© sâinstalla Ă la mĂȘme table, juste en face de Marcel. Face Ă face, les deux hommes se dĂ©visagĂšrent, leurs routes sâĂ©taient croisĂ©es en 1916 et 1940. Marcel avait presque enfoui ce souvenir dans sa mĂ©moire, et dâun coup dâun seul, toute sa vie dĂ©fila dans sa tĂȘte. Lâhomme en face de lui Ă©tait calme, posĂ©, presque lâallure dâun ami.
Il fixa Marcel une longue minute, puis ouvrit la bouche et sâexprima dans un Français presque correct : « Vous mâavez beaucoup manqué⊠»
Eric Gonzalez.